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Un acte, une mention marginale, un règlement judiciaire, une ascendance toute prouvée : "Généalogie de Jean d'Alboy" par Danièle Brossard, Yvonne Ginieis, Michelle d'Orilia (descendante de ce Jean d'Alboy)

Avant-propos

Dans le cadre de l'atelier de généalogie du Club 102, à Puteaux, animé par Dominique Valentin, Michelle entreprend des recherches sur son ascendance, branche paternelle, les "Dalboy/d'Alboy".
Interpellée par une mention marginale figurant sur de nombreux actes, d'Etat Civil puis BMS, de sa parentèle, elle s'essaie à en comprendre la raison.
Elle hésite à se lancer seule ; alors aidée par le groupe, et tout particulièrement par Yvonne qui va aller de bibliothèques en librairies, de Danièle qui va surfer (de concert avec Michelle) sur le web, collationner et mettre en forme les différents renseignements trouvés, de Dominique qui guide, Michelle va aller de surprise en surprise.

Ce type de recherches débutent généralement après une plongée dans le passé, en ayant feuilleté l'album photos de nos grands-parents, ou découvert un livret de famille, un document familial que nous avions rangé hâtivement, pour certains, au milieu de papiers, dans une boîte à chaussures, ou bien au grenier, dans une malle pleine de souvenirs, qu'un soir d'hiver nous fait ressortir...

Ces démarches peuvent se révéler rébarbatives voire ardues au début, mais toujours instructives, puis passionnantes au fur et à mesure que les recherches deviennent fructueuses. Et cela se termine souvent, comme pour Michelle, par un déplacement sur les lieux de vie de nos ascendants...

La morale de cet article : ne jamais négliger une mention marginale sur un document...

Autour d'une particule...

Comme chacun(e) d'entre nous, Michelle commence donc à rassembler les différents actes d'Etat Civil, puis de BMS de ses ascendants, auprès de sa famille, des mairies, des Archives Départementales concernées. Elle constate que l'orthographe du nom de famille évoluait dans le temps : d'Alboy, puis Dalboy, puis d'Alboy à nouveau. Une mention marginale revenait également sur chaque acte :« Rectifié par jugement du tribunal civil… ».

Tout généalogiste qui se respecte ne se contente pas de lister des dates, il va au-delà... Il vérifie et revérifie la justesse des différents éléments recueillis, il les commente, ....
Michelle, intriguée par cette mention marginale, se met donc en quête de ce fameux jugement... Après diverses démarches auprès de différents tribunaux de la région concernée (La Corrèze) pour retrouver trace de ce document, elle le déniche finalement aux Archives Départementales de Corrèze qui ont traité sa demande avec compétence et beaucoup de gentillesse.
La fameuse "pièce" en main, elle apprend au cours de sa lecture, que l'orthographe de son nom avait été contestée par son grand-père et les deux frères de celui-ci. Ils voulaient retrouver la particule à laquelle ils prétendaient avoir droit. Ils obtinrent satisfaction et Michelle apprend ainsi qu'elle descend d'une O combien longue lignée d'ALBOY ! Et surtout, surtout, qu'afin de faire valoir leurs droits, ils durent prouver leurs dires et avaient alors fait appel à un généalogiste professionnel qui enquêta très minitieusement et rendit un "rapport" très détaillé, preuves et sources à l'appui ! Voilà, Michelle en possession d'un trésor généalogique...

Il s'avère que la famille d' ALBOY perdit sa particule à la 9ème génération pour la retrouver ensuite grâce au jugement rendu en 1935.

"Zappons" quelques siècles et commençons par conter succinctement l’histoire des "d’ ALBOY et DALBOY" à partir du XVème siècle en amputant volontairement  quelques branches à cet arbre déjà bien fourni. Michelle les développera ultérieurement dans le recueil qu'elle rédigera pour les siens.

Bataille autour d'une particule !!!

Au XVème siècle, Jehan d'ALBOY,  juge du PORT-DIEU (1) et procureur d'office (2) de BORT en Corrèze avait un frère prénommé Pierre d'ALBOY, seigneur de Montreux, secrétaire de la Chambre du Roy et de Monseigneur le Duc de Ventadour...
Jehan épousa Hélène de MALEROCHE qui lui donna 6 enfants dont Bernard d'ALBOY lui aussi procureur d'office à BORT, qui eut à son tour 9 enfants, parmi lesquels Jean D'ALBOY qui se maria le 2 février 1667 à Marguerite BRUN, dont il eut 6 enfants.

L’aîné, Germain Remède DALBOY, baptisé à BORT le 4 décembre 1680 (constatons qu'il n'a plus sa particule !), épousa Marie MEGE le 7 janvier 1719 et eut 9 enfants dont Étienne DALBOY.

Ce dernier, né également à BORT le 5 novembre 1737, épousa le 21 janvier 1762 Marie VIALLES. Parmi les témoins figurait Joseph d'ALBOY, ainsi orthographié.  De ce mariage sont nés 7 enfants dont Antoine DALBOY, né à BORT , notaire de son état qui se maria à Marie Antoinette ODDE , fille d'Alexis ODDE, notaire et maire de BORT le 10 Messidor an IV ; de cette union naquirent 6 enfants dont François DALBOY dit Xavier.

Ce dernier, né à BORT, se maria le 3 septembre 1841  avec demoiselle Marie Jeanne CHANTAL, laquelle eut 1 seul enfant, Antoine Pierre Joseph DALBOY, né à PIERREFORT le 28 mai 1846.

Ce dernier épousa Mademoiselle Blanche Henriette Christiane DUMONT, dont il eut 4 enfants. Trois d'entre eux (le grand-père et les grands-oncles de Michelle) demanderont la remise de la particule, car une branche de la famille, ayant sans contestation la même ascendance, avait ,elle, conservé la sienne.

De l'analyse de nombreux et divers actes, dont certains remontent au XIIème siècle, il ressort que le nom patronymique des exposants s'écrivait d'ALBOY avec la particule. Seulement et pour la première fois, à compter de 1680, pour on ne sait quelle raison, ce nom a été orthographié DALBOY (exit la particule...) pour une branche...
La bataille concernant l'orthographe des DALBOY passionnera bien des descendants, tout comme le grand-père et ses frères (grands oncles) de Michelle. C'est ainsi qu' ayant demandé au tribunal départemental de la Corrèze la rectification de l'orthographe de leur nom patronymique, ledit tribunal, dans un premier temps, par jugement du 25 juin 1930, les déboutera de leur demande.

..."Notons que lesdits exposants, en demandant que la véritable orthographe de leur nom soit rétablie, n'étaient animés d'aucune pensée d'orgueil, mais avaient le légitime souci d'établir l'origine et l'ancienneté de leur famille.
Il s'évince que la particule n'a pas été une erreur, mais bien au contraire, l'erreur réside dans sa suppression...".


Ce qui se réglera, non pas par les armes, à tout seigneur tout honneur, mais simplement par la voie légale. La cour d'appel de Limoges, par arrêt du 4 mars 1931, confirmera le jugement ci-dessus mais fera des constatations d'une extrême importance.
En effet, l'archiviste départemental de la Corrèze, dans sa dernière attestation extrêmement circonstanciée, ne laisse rien dans l'ombre et répond à toutes les préoccupations de la Cour.

Il certifiera notamment que le nom patronymique de Jehan, juge de PORT-DIEU et Bernard, procureur d'office à BORT, ainsi que tous leurs parents en ligne directe ou collatérale aux 16ème et 17ème siècles, était orthographié d'ALBOY avec la particule. Que certains documents remontent au 13ème siècle et que le nom de cette famille s'écrivait avec la particule. Qu'on se le dise ! Il est bon de souligner que les exposants appartiennent à une vieille famille de robe qui a joué un rôle important dans la vie de la commune de BORT !

En 1793 un de leurs ancêtres a apporté, comme tous les nobles et notables de BORT, ses titres de rentes et ses titres constatant ses privilèges au Consul Général de la commune de BORT pour qu'ils fussent brûlés au pied de l'arbre de la « Fraternité » (Un acacia). Ledit arbre n'existant plus de nos jours, impossible d'y faire un pèlerinage !


L'arbre de la Fraternité mentionné ci-dessus
Carte postale

Ancienne place de l'arbre de la fraternité
En lieu et place de l’arbre de la « Fraternité »
Photo Michelle d'Orilla - Eté 2011

En d'autres termes, on doit uniquement rechercher quelle a été l'orthographe la plus ancienne du nom et c'est celle-ci qui doit prévaloir sur toutes les autres.

En conséquence, par jugement auprès du Procureur de la République et sur le rapport du Juge de Siège le 11 juin 1935, le tribunal d'Ussel ordonnera la rectification de différents actes de l'Etat Civil selon une liste établie, actes de naissances, mariages, décès ainsi que sur tous les registres des administrations publiques, ceux déposés aux greffes des tribunaux et partout où besoin sera sur la simple signification dudit jugement aux autorités compétentes. La rectification sera même portée sur des actes de 1667 !

C'est ainsi qu'après une longue bataille juridique, les D'ALBOY récupérèrent enfin leur particule, le 5 août 1935.

Moments d'émotion

Michelle, quelque part émue par toutes ces découvertes,  souhaita visiter les lieux fréquentés par ses ancêtres.
Profitant de la période estivale, elle partit en voiture, avec son époux, sur les traces de son lointain passé.  Elle ne put voir tout ce qu’elle aurait désiré, mais ce n’est que partie remise.

Saint Julien aux Bois

Elle passa à Saint Julien aux Bois. Son époux arrêta la voiture, en descendit afin de s’assurer qu’ils étaient bien sur la bonne route.

Entrée St Julien aux Bois
Photo Michelle d'Orilla - Eté 2011

Au 13ème siècle St Julien est une vicairie civile de peu d’ampleur. Son nom lui vient de la châtellenie d’Alboy qui lui a donné jusqu’avant la révolution le nom de St Julien d’Alboy transformé en Saint Julien au Boy puis aujourd’hui Saint Julien aux bois, ce qui en déforme le sens.

Au cours des siècles La seigneurie de Saint Julien d’Alboy  a appartenu à diverses familles dont celle d’Alboy, de Merle, de Foucault de Lanteuil … etc… Au XIIIème siècle St Julien  dépendait  de la suzeraineté des comtes de Rodez en leur  qualité de Vicomte de Carlat en Auvergne puis fut englobé dans la vicomté de Turenne jusqu’au XVIIème  siècle.

Chapelle Saint Pierre sur Maronne

Elle s'arrêta devant la Chapelle saint Pierre sur Maronne.
L’existence de cette chapelle est accréditée par le testament de Bernard d’Alboy qui en 1319 donne « deux deniers de rente à la chapelle d’Alboy ».

ChapellePanneau chapelleTexte panneau chapelle
Photos Michelle d'Orilla - Eté 2011

Le chateau d'Alboy

La famille d'ALBOY, connue dès le XIIème siècle dans le milieu de la chevalerie, résidait dans un château. Elle morcela sa seigneurie au siècle suivant et, quittant son promontoire inhabité, s'installa dans son fief de PALMIAC, sur le plateau, à quelques centaines de mètres du bourg de Saint-Julien d'Alboy, devenu aux bois, dont les d'ALBOY étaient co-seigneurs.
Cette famille tire son nom de l'ancienne Châtellenie d'ALBOY dont on trouve la dénomination dans deux parchemins de 1293 et qui occupait la berge escarpée de la Maronne qui délimite la Xiantrie où l'on distingue encore les ruines contemporaines à celles de MERLE (XIVème siècle).

Pour en savoir un peu plus sur l'histoire de ce château :
http://www.sentiers-perdus.com/les-dossiers/le-chateau-dalboy.html

Un d'Alboy poète

Outre des seigneurs d'ALBOY, la famille dut compter avec un troubadour (3) au nom alambiqué : Austorc d'ALBOY d'ALBOI DEL BOI, poète occitan du XIIIème siècle. Ce troubadour, originaire du Rouergue dont l’œuvre se limita à un tenson (4), ce qui pourrait expliquer l'absence de documents à son sujet. C'était un familier de la cour du Comté d'Henri II de Rodez, gentilhomme campagnard.
Il a échangé un partimen (5) avec Guiraud Riquier et Rainart à la cour d'Henri II.
Un Austorc d'ALBOY figure comme témoin avec le titre de chevalier, dans deux actes passés à Rodez en 1275 (annales du midi-toulouse 1889). Etait ce le même ? Vraisemblablement.
Michelle reprendra l'été prochain son pélerinage sur les traces de son lointain passé.
Elle s'intéressera d'un peu plus près au château, au troubadour...
Elle remercie Danièle, Yvonne, Dominque et le groupe de l'avoir aidé dans sa démarche.
L'entraide entre généalogistes n'est pas un vain mot....

Notes :

(1)
Le bourg de Port-Dieu, au bord de la Dordogne, a été englouti par la mise en eau du barrage de Bort-les-Orgues mais son église romane "La chapelle des manants" (XVème s.) et vestiges d'un prieuré cistercien fondé au XIème siècle, située sur un promontoire rocheux, fut sauvegardée ainsi que son presbytère lors de la démolition des maisons pour la mise en eau. Peu de choses restent de ce passé que les eaux de la retenue du barrage de Bort ont efface. Avant la construction du barrage, la Dordogne était flottable à partir de Port-Dieu. Le 26 Décembre 1950 Port-Dieu devint Confolent Port-Dieu.

(2) Procureur d'office : exerce les fonctions du ministère public dans une moyenne ou basse justice seigneuriale. On l'appelle procureur d'office, parce qu'il peut agir ex officio, c'est - à - dire d'office & de son propre mouvement, sans aucune instigation ni réquisition de partie. On ne lui donne pas le titre de procureur fiscal comme aux procureurs des seigneurs hauts justiciers, parce que les seigneurs qui n'ont que la moyenne & basse justice, n'ont pas droit de fisc: par un arrêt du 20 Mars 1629, rapporté dans Bardet, il fut défendu au procureur d'office du moyen & bas justicier, de prendre la qualité de procureur fiscal.

(3) troubadour : anciennement trouveur, poète lyrique des XIIème et XIIIème siècles qui composait des œuvres dans une des langues d'oc (par opposition à trouvère, poète lyrique de langue d'oïl)

(4) tenson ou tenso : une « dispute poétique » un débat sur des sujets variés, en vers.

(5) partimen : genre dialogué, questions et réponses entre deux troubadours aux idées opposées, sur toutes sortes de sujets, en prose. Ce qui appartient plus particulièrement à la langue d'Oc, ce sont toutes les formes de la poésie moderne que le langue a reçu des arabes, grâce aux troubadours qui les ont initiés.